Le 8 aout 2020 «écoute ton coeur »



Un été de canicule et de transition. Un masque comme rempart, contre les virus et la galerna de Donostia, contre ce mal de mer quand les choses vont trop vite et qu’on perd un peu pied. S’installer pour repartir. Un poids dans la poitrine, les poumons écrasés, un coeur qui cogne, une porte qu’on hésite à ouvrir. Un confinement plus tard, nous décidons, lui et moi, moi et lui, que San Sebastian aura eu raison de nous. 

Aurevoir ma vieille amie l’Atlantique, les boules de feu brulantes de fin du monde qui se couchent inlassablement sur la Zurriola, ce rayon vert d’un certain 24 juin, les hauteurs du Mont Ulia au sommet desquelles la solitude n’est plus solitude, la présence bienveillante du Christ d’Urgul qui observe sans juger a l’instar d’un père et d’un papi juchés dans le plus haut des cieux. Aurevoir, Agur, à ces visages basques dessinés avec soin, des portraits au fusin bien contrastés, nobles mais fermés, méprisants mais profonds, anciens mais éternels. Aurevoir la beauté de la mer cantabrique déchaînée, les vagues écumantes de Paseo Nuevo qui nous crache à la gueule tout ce que la nature veut nous crier. Aurevoir les amitiés tantôt fugaces, tantôt volages à l’image des expats d’ici, toujours sur le pouce, près à partir et à s’enfuir en quête d’un nouvel Eden ou d’une réalité moins réelle. Aurevoir la famille-en-un-coup-de-bus, du côté de la frontière où les mots sont les miens, où entendre c’est écouter. Hasta pronto, les fous rires que seule la vraie connivence autorise, avoir 13 ans avec Jade, les roues et les poiriers dans le jardin et ce nouveau regard d’amour que je porte sur ma mère balayant dans son sillage les 15 dernières années de colère asphyxiante. Adios les 1001 « je t’aime » aphones de mamie déguisés tour à tour en bo-bun, porc au caramel, poulet bouilli, achards de légumes, roumazave et rougail tomates. 

 Aurevoir à ma tribu éparpillée ici et là, les grands yeux curieux et observateur de Célia, la grande bouche pleine et rieuse de Monia, le petit nez félin de Steph, les petites mains tendres et décidés d’Emily, les cheveux longs et fin de Jeanne, toujours dans le vent, la douce voix enrobante de Nina et le sourire serein de Ben. Être soi même avec et sans eux. Toujours au plus près de moi, du moi essentiel, et de ce coeur qui bat et qui Sait. « Ecoute ton coeur ». « Écoute ton coeur » chuchoté ici, dit tout bas, paroles distantes, rabâché dans ma tête comme une berceuse rien que pour moi. Mantra galvaudé de mon enfance soufflé par la tatie Carole d’alors et d’aujourd’hui. Un humble mystère qui aura toujours exercé une attraction envoutante sur la petite et la grande fille que je suis. La silhouette d’un phare enfoui dans la lumière dans la plus noire des nuits, jaillis au creux des vagues, me guidant au port au milieu des tempêtes, me faisant surmonter les profondeurs sans lumière. Après le silence suspect de la mer trop calme, l’anxiété de ne plus sentir et ne plus être, arrive le moment d’affronter les vagues, faire corps avec l’eau dans le froid et dans l’inconnu pour accueillir les turbulences tout en gardant la barre, avec confiance et fermeté. Et se souvenir, parce que ça aide, qu’une mer calme n’a jamais fait bon marin. Je glisse ce mantra dans le fond de la poche et l’écoute enfin, ce coeur. Partout dans le monde. Ici et ailleurs. Dans l’ombre et la lumière. Dans le beau et la crasse. Accepter, s’accepter, pleurer s’il le faut, rire plus fort que les petits, vivre ses émotions de plein fouet, même quand ça fait mal. Ne plus avoir peur d’exister et de prendre de la place, Sa place. Ne plus flouter quand ça va pas puisant dans le puit sans fond de cette résilience, sauveuse de vie autrefois, pétrifiante aujourd’hui. Se jeter dans la vie, comme on plonge du haut de la falaise du port des pêcheurs de Biarritz quand on a 17 ans. Sans trop réfléchir. En regardant en bas une fois, deux fois mais pas trois. Plus on pense, plus ça fait peur. Se lancer. Ne plus prétendre. Faire tomber les masques, pas seulement celui du virus, mais aussi et surtout le social. Pour respirer à plein poumon, pour s’embrasser, s’accueillir, pour s’épouser, pour s’ouvrir à s’en arracher les bras et enfin vivre la vie comme elle se doit d’être vécue. Avec son coeur. 

Déborah

Pour suivre mon nouveau projet, c'est sur cette page : https://feelgoodfrench.com/


8th of august. "Listen to your heart" 

A summer of heatwaves and transition. A mask as a fortress, against viruses and Donostia’s latest galerna, against that seasickness when things are going too fast and you lose your footing a bit. Settle down to leave again. A weight in the chest, a pair of crushed lungs, a pounding heart, a door you hesitate to open. A confinement later, we decide, him and me, me and him, that San Sebastian will have got the better of us. Goodbye to my old friend the Atlantic, the burning fireballs of the end of the world which rest tirelessly on the Zurriola, this green ray of a certain June 24th, the heights of Mount Ulia at the top of which solitude is no longer solitude , the compassionate presence of the Christ in Urgul who observes without judging like a father and a grandpa perched in the highest heavens. Goodbye, Agur even, to those Basque faces drawn with care, well contrasted spindle portraits, noble but closed, contemptuous but deep, ancient but eternal. Goodbye to the beauty of the unchained Cantabrian sea, the foaming waves of Paseo Nuevo which spits in our mouths all that nature wants to shout at us. Goodbye to friendships that are sometimes fleeting, sometimes fickle like the expats here, always on the go, ready to leave and run away in search of a new Eden or a less real reality. Bye-bye to the family on the door step, on the side of the border where the words are mine, where to hear is to listen. Hasta pronto, the giggles that only true bond allows, being 13 with Jade, the wheels and the handstands in the garden and this new look of love towards my mother, swept in the wake the last 15 years of a strangling anger. Adios to granny’s 1001 voiceless « I love you »s disguised alternately in bo-bun, caramel pork, boiled chicken, vegetable hachard, roumazave and tomato rougail. Goodbye to my tribe scattered here and there. Celia's big curious and observant eyes, Monia's big full and laughing mouth, Steph's little feline nose, Emily's tender and determined little hands, Jeanne’s long, thin hair-always-in-the-wind, Nina's soft enveloping voice and Ben's serene smile. Be myself with and without them. Always closer to me, to the essential self, and to this beating and knowing heart. " Listen to your heart », “Listen to your heart” whispered here, mumbled there, distant words, rehashed in my head like a lullaby just for me. Overused mantra from my childhood blown by the aunty Carole of then and now. A humble mystery which will always have exerted a captivating attraction on the small and the big girl that I am. The silhouette of a lighthouse buried in light in the darkest of nights, leaps from the waves, guiding me to harbor amidst storms, making me overcome the lightless depths of the abyss. After the suspicious silence of the eerly calm sea, the anxiety of no longer feeling and no longer being, comes the moment to face the waves, to become one with the water in the cold and in the unknown, to welcome all the turbulences. Always holding the helm, confidently and firmly. And remember, because it helps, that a calm sea never makes a good sailor. I slip this mantra into the back of my pocket and finally listen to this heart. Anywhere in the world. Here and elsewhere. In light and shadow. In the beauty and the filth. Accept, accept yourself, cry if necessary, laugh louder than the little ones, live your emotions head-on, even when it hurts. No longer being afraid to exist and take up space, your space. No longer blurring the picture when things are not going well, drawing from the bottomless pit of this resilience, once life-saver, petrifying today. Throw yourself into life, like diving from the top of the cliff at the fishermen's port in Biarritz when you are 17 years old. Without thinking too much. Looking down once, twice but not thrice. The more you think, the more scary it gets. Get started. No longer pretend. Remove the masks, not only that of the virus, but also and especially the social one. To breathe deeply, to embrace openness, to self accept, to open up wide arms, to shine through vulnerability and, finally, live life as it should be lived. With the heart. 

Déborah

And to follow my new endeavour as a French language coach, it's there: https://feelgoodfrench.com/

l'épopée lisboète ( première partie)

Rebelotte. Je délaisse ma zone de confort pour me retrouver avenuda Almirante Reis, dans un Lisboa intrépide & prometteur. Après le SVE, l'Erasmus, les formations SALTO, je continue d'expérimenter les programmes de mobilité de la jeunesse en Europe avec un stage Leonardo da Vinci. Téléportation réussite. Durée du séjour : 15 semaines/105 jours/2520 heures/9072000 secondes. Libre à moi de choisir mon unité.







Et la chanson qui va avec : Isabelle Pierre - Le temps est bon

Un week end à Durango - Pays Basque





La nouvelle année. Les compteurs que l'on se plait à remettre à zéro. Forcément assortie de l'immanquable " alors quelles sont tes bonnes résolutions?". Le petit tour de table nous laisse pantois, la sentence étant trop usée, attendue, prévisible. Nos esprits "anti-conformistes sans vouloir l'être" peinent à se prêter au jeu. Toutefois je garde à l'esprit la résolution de Cécile "Cette année année je ne veux pas être heureuse. Je décide d'être heureuse. ps : je tiens le concept de ma prof de gym suédoise". J'ai bien aimé la phrase, elle a eu le mérite de m'habiter, pour la nuit du moins. J'aime le côté pro-actif du concept, nul doute qu'elle vienne d'une prof de gym, a fortiori suédoise. Et si je devais résumer à mon tour ma résolution, pour de vrai, quelle serait-elle? Il est après tout de bon ton de prendre une résolution en cette période de "crise" ou de renouveau ( c'est selon) que je rencontre dans ma vie de Y.A. ( Young Adult). Sans compter que ma mère, parfois un peu new age ( sans mauvaise connotation, non), est la pour me rappeler " du point de vue de la numérologie tu es en année personnelle 9. C'est l'heure des bilans, tu achèves ton cycle, c'est une année de conclusion où tu dois faire face à tes problèmes". Ok. Je ne sais pas dans quelle mesure j'adhère ou non à la numérologie but let's to this! Ainsi je décide de choisir comme résolution " prendre Forrest Gump comme source d'inspiration". Et même si ça sonne un peu niais, c'est avec ardeur que je prend pour muse l'incarnation même de l'anti-héro. M'inspirer de Forrest Gump, dans le sens où le gars acte et il le fait sans attente. Dans l'humilité. La vraie, pas celle qui se veut être la face B de la fierté, directement issu de ... l'orgueil. Il ne se perd pas dans de grandes quêtes existentielles ou conceptuelles. Il choisit l'action plutôt que les mots. Et perso j'en ai assez de l'inachevé. Parce qu'à force de placer mes attentes trop haut, à force de regarder les étoiles le nez en l'air, j'en néglige le "maintenant" de l'ici bas. Ce qui me conduit inéluctablement à l'inaction et à la paralysie. Parce que l'inaction et la paralysie sont de parfaits remparts contre l'imperfection et l'échec. Ce vieux souvenir de l'école primaire laissé dans un des tiroirs de ma mémoire en est une bonne illustration. Mr Bailet, l'instit à moustache, nous avait donné à faire un dessin "abstrait". Abonnée au mensuel " Artiste Junior" et avec l'honorable franchise enfantine, je me prenais un peu pour un Picasso en herbe. Le thème était donc parfait pour exprimer ce que j'avais dans le ventre : un dessin abstrait aux antipodes du figuratif vécu comme contraignant au creux de l'enfance. Je m'étais donc fait une grande idée sur ce qu'allait être mon œuvre. Ce serait un dessin pleins de couleurs, de courbes et d'inspirations différentes. Et les débuts étaient prometteurs. Curieuse, je regardais le dessin de ma voisine qui me semblait au départ moins attractif que le mien. Mais le sien évoluait, doucement mais sûrement. Tandis que le mien, lui, s'est arrêté en chemin. Et au final, mon rendu était à moitié fini, inaccompli. Celui de ma voisine en revanche était beau. Beau de sa réalisation, de sa finition. Elle était allez jusqu'au bout. Prendre part au processus, sans avoir peur de se confronter au verdict du résultat. C'est exactement pourquoi Kerouack, tous ses potes beatnik et leurs proses spontanées m'emballent tant. Acter, acter, acter. S'exprimer. S'affranchir de la procrastination et de la peur du " je ne peux pas". Trêve d'égarement Déborah, l'introduction a déjà trop trainé. C'est d'ailleurs là mon péché mignon : j'aime me faire mousser. Il est temps de faire preuve d'un peu de cohérence, quelle est donc le lien entre ma nouvelle résolution Forest-gumpienne et cette série de photos? Un lien de causalité, j'oserais dire, puisque ma résolution est apparu suite à l'aventure que ces clichés ont capturé.

Bien. On dit parfois que les images parlent d'elles-mêmes, c'est sans doute pourquoi je reste aphone dans la plupart de mes posts. Je laisse aux images la liberté de s'exprimer par elles-même. Mais le romanesque de l'histoire qui accompagnent les photos de Durango me chatouille les doigts : l'envie de la coucher sur papier me démange.
Samedi dernier. Mon premier jour en Espagne depuis belle lurette. Donostia d'abord. Seule à seule avec mon sac à dos. J'ai 30 minutes devant moi, je sors de la gare pour une brève escale. Je me laisse envahir par un sentiment d'euphorie imprévu. Rien de spécial pourtant juste une gare et ses bêtes alentours. Et pourtant. Et pourtant le tapis sonore de cette scène me remplit de joie. La vie. Le brouhaha du Castellano dans une rue qui s'agite. Les jeunes, les moins jeunes, les mamies en fauteuil roulant, les bars qui nous invitent les bras ouverts. J'aime l'Espagne. Une tortilla et un verre de blanc plus tard, me voilà sillonnant la côte basque espagnole à bord du topo, ce métro aérien qui n'hésite pas à faire halte sur halte, nous offrant ainsi le spectacle de la découverte de patelins perdus et de paysages inattendus. Durango, j'y suis! Je rejoins l'Homme qui au vue de sa douceur de vivre semble s'être déjà bien acclimaté à la vida Espanola. Dans l'étourderie des retrouvailles, nous marchons avec un but seulement approximatif : approcher les montagnes, surtout celle où Gandalf semble se cacher. Après un moment, au milieu de ce qui ressemblait de plus en plus à la rase campagne, un bar s'offrit à nous tel un oasis dans le désert du Thar. Après le bruit de la porte qui grince, c'est le bruit du silence qui vint s'objecter à notre présence. Face à nous, une poignée de "good old boys" oscillant entre l'euskara et le castellano, cigare au bec, patxaran en main et curiosité dans le regard. Armés de la fraicheur du voyageur, on décide de briser la glace en les questionnant sur la direction à prendre pour faire " une chouette rando". De la méfiante curiosité à la sympathie il n'y a qu'un pas. L'un se presse à aller chercher des cartes et des itinéraires, l'autre nous paye des coups tandis que la serveuse abonde en sourires.Vous dire ce qui nous a amené à monter dans la fourgonnette de Jose, le sexagénaire solitaire, je ne saurai vous l'expliquer. Sans doute un mouvement naturelle guidé par la sympathie et l'autorité bienveillante du vieux cow-boy. Ou nous allions, nous n'en avions aucune idée. L'unique certitude que nous partagions télépathiquement : une aventure s'offrait à nous et guidés par la montagne de Gandalf nous nous sentions l'âme d'un Bilbon Sacqué. Empruntant des petits chemins caillouteux, nous sommes finalement arrivés dans ce qui s'avérait être sa ferme perchée sur une colline verdoyante. L'homme peu bavard de nature, affichait un fierté non feinte à nous faire découvrir son monde composé de ses terrains avec dans son sillage ses 5 chiens, ses brebis, ses agneaux, son troupeau de moutons et ses chevaux sauvages. Comprenant intuitivement, que le respecter c'était se laisser guider, nous l'avons suivi dans ses mouvements sur sa colline.
Et dire qu'un jour, dans une de ces conversations dédiés aux méandres de la parole et du temps, nous nous demandions comment faire pour vivre des aventures à la Ernest Hemingway, l'Homme suprême. Une aventure ne se commande pas, elle s'improvise. C'est dans le laisser-aller et dans l’accueil des situations que l' inattendu peut émerger. Le temps d'une après-midi, ce presque-inconnu nous offrait sur un plateau, une réalité qui nous était étrangère. Mais nous réalisions que la ferme basque et ses animaux étaient seulement une toile de fond et non l'objet de notre découverte. La véritable découverte résidait dans l'homme. Nous rencontrions Jose dans sa solitude et son envie de partager. Lorsque je lui montrais les photos le représentant lui dans sa ferme accompagné de ce jeune irlandais et de cette francesa, elles lui tirèrent les larmes des yeux. Ses larmes exprimaient à elles seules l'indicible et nous ouvraient les portes d'une existence jusqu'à lors hors d'atteinte.

Nous sommes rentrés, avec "su otro regalo", un agneau dépecé par ses soins. A badigeonner d'huile d'olive, deux fois 45 minutes au four y hasta. Apetitu on. Milesker.

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